Quand les archéologues passent les monuments historiques à la loupe

Quand les archéologues passent les monuments historiques à la loupe

Vous pensiez que le Palais des papes d’Avignon avait livré tous ses secrets depuis bien longtemps ? Les archéologues départementaux en ont pourtant percé de nouveaux au gré d’un chantier de restauration du monument historique. Leur concours peut effectivement être requis dans ce cadre, via une étude de bâti.

  

À la faveur des échafaudages qui l’ont « habillé » en 2017 et 2018, les experts du service ont pu observer de plus près des parties de l’édifice jusqu’alors inaccessibles. Ils en ont profité pour prendre de la hauteur et documenter la Tour de la Garde-Robe, la Tour du Jardin et la Tour du pape. Différents niveaux d’élévation propres à plusieurs époques, évolution des constructions dans le temps, juxtaposition d’éléments architecturaux… sont quelques-uns des points mis en évidence par cette étude.

 

« Malgré sa notoriété, certaines parties du Palais des papes n’ont pas encore été observées d’aussi près ! » relève Émilie Fencke. En accompagnement des travaux de restauration menés par le Département sur la Tour de la Campane, de la chapelle Benoît XII et de l’Aile des Familiers, une nouvelle étude est ainsi conduite par le Service départemental depuis l’automne 2021. « Ces études pourront alimenter les parcours de visite du site et enrichir l’histoire de l’architecture monumentale et religieuse".

 

 

Zoom sur le patrimoine bâti

Brosses, pelles, pioches et autres truelles en main... On pourrait croire que les archéologues n'ont qu'une seule mission, celle de faire parler le sous-sol. Il n'en est rien. Et le second pan de leur activité - l'archéologie du bâti - est plus méconnu du grand public. Elle représente pourtant une part non-négligeable de l'activité du Service départemental. " L'objectif est le même : la restitution de l'histoire d'un site, explique Émilie Fencke. Il s'agit de rendre compte des évolutions d'un bâtiment à travers les époques ". L'œil des archéologues vauclusiens est généralement requis par la DRAC dans le cadre de chantiers de restauration ou de réhabilitations urbaines au cœur des périmètres sauvegardés. Un architecte des Bâtiments de France peut être l'instigateur d'une demande, mais seuls les services de l'État prescrivent officiellement une étude de bâti. Un relevé de façade après décroutage (retrait de l'enduit), un scan 3D d'une façade pour obtenir une vision fine des caractéristiques et évolutions architecturales, des dessins, photographies, descriptions... " On documente les différentes phases identifiées dans les élévations, les rebouchages ou les créations d'ouvertures par exemple " explique Émilie Fencke.

Il s'agit de rendre compte des évolutions d'un bâtiment à travers les époques.

Une amorce d'arc typique des XIIe et XIIIe siècles, un arc du XVe siècle surplombant la porte d'accès, une façade très homogène caractéristique de la fin du XVe siècle, là encore p l u s i e u r s bouchages de fenêtres réalisés au XVIe siècle mais aussi des fenêtres des XVIIIe et XIXe siècles... À Avignon, l'orthophotographie par drone a contribué à mettre en évidence les évolutions de la façade de l'immeuble des Deux Gerfauts (propriété du Département) lors de la restauration de cet immeuble situé rue Bouquerie. En effet, en l'absence d'échafaudage, le recours à cette technique permet d'obtenir une image numérique fidèle de la totalité de la façade d'un édifice quelles que soient ses dimensions.

À cette occasion, les archéologues ont réalisé une étude de bâti avant que la façade soit à nouveau enduite. De quoi mieux documenter l'édifice et éventuellement conseiller une mise en valeur, si un élément architectural remarquable avait été mis en évidence. " La présence d'une fenêtre du XVe siècle était intéressante, mais située à une grande hauteur, elle aurait été peu perceptible par le public depuis la rue, note Émilie Fencke. Dans ce cas précis, sa mise en valeur dans le cadre de la réfection de la façade n'avait pas de pertinence ".

Ainsi, pas à pas s'assemblent les pièces du puzzle de l'histoire des bâtiments et de l'évolution des villes, des différents îlots d'habitation, en particulier des centres villes médiévaux et modernes. " Dans l'archéologie du bâti, nous sommes davantage dans l'observation et dans la préconisation d'aménagements en vue d'une conservation de l'existant ", précise la cheffe du Service départemental d'archéologie.

En effet, les aménageurs sont de plus en plus enclins à intégrer à leurs projets des éléments d'architecture remarquables, dans le but de leur donner du cachet mais aussi de préserver le patrimoine. Ce sera peut-être le cas des plafonds peints médiévaux du XVe siècle découverts fin 2020 dans un immeuble en cours de réhabilitation, place du Change à Avignon, et pour lesquels une étude par les archéologues vauclusiens a été sollicitée.

Qu'il s'agisse de l'étude du sous-sol ou du bâti, chaque nouveau point de connaissance sur l'histoire du Vaucluse est soigneusement versé dans une base de données mise à jour régulièrement. Dans le cadre d'une convention passée avec l'État, le service vauclusien transmet toutes ces nouvelles informations au Service régional d'archéologie (basé à Aix-en-Provence) qui, lui, abonde la base de données Patriarche, également appelée la Carte archéologique nationale. Le SIAV (Système d'information archéologique en Vaucluse) en est la déclinaison pour le Vaucluse (cf. encadré p.115).

" Mais notre but ne se limite pas à mettre un point sur la carte, l'histoire ne s'arrête pas là, explique Émilie Fencke. Chaque découverte, aussi petite et ponctuelle soit elle, va se raccrocher à un phénomène plus global. Avec les éléments collectés et contenus dans Patriarche, les spécialistes du service et des chercheurs rattachés à d'autres institutions disposent de plus de matière pour envisager des travaux de synthèse, à une autre échelle, par exemple sur une forme d'habitat ou une période spécifique au plan régional ou national. La recherche est une partie intégrante de nos missions. Cela donne du sens à ce que l'on fait : conserver et transmettre des connaissances qui alimentent des recherches approfondies et pourront être expliquées puis transmises aux habitants comme aux générations futures ". Ce qui s'appelle apporter sa pierre à l'édifice