Six villes antiques

« Décrivez-moi ce que vous voyez… J’arrive ! » Il n’aura pas fallu de longs discours pour qu’Émilie Fencke, cheffe du Service départemental d’archéologie, comprenne puis saute dans sa voiture, direction Orange. Au bout du fil, Guilhem Baro, responsable d’opération en intervention sur le terrain, évoque une demi-forme circulaire et un amas de cailloux.

Pour cette spécialiste de la Protohistoire, cela ne fait aucun doute. Il s’agit des vestiges d’un tumulus : une sépulture caractéristique des âges des Métaux, datant ici probablement du début du Premier âge du Fer, soit entre 800 et 450 avant notre ère. En novembre 2020, chemin de Nogaret, à deux pas de la base aérienne, ses équipes s’employaient alors depuis une quinzaine de jours à explorer méthodiquement 10 hectares de terrain. La règle est immuable : à grand renfort de pelles mécaniques, 10% de la surface à explorer est ouverte en tranchées – d’environ deux mètres de largeur et de profondeur variable – afin d’offrir la visibilité nécessaire aux archéologues pour détecter la présence éventuelle de vestiges. C’est au cœur de l’une d’elles qu’ils ont décelé les premiers indices laissant penser à un tumulus. Et c’est pelles et truelles en main qu’ils ont poursuivi. Cette découverte vient bouleverser la connaissance d’Orange et de toute la plaine du Comtat. Seuls trois tumulus sont connus dans ce secteur. Situés à Bollène, ils avaient été découverts dans les années 1990 à la faveur du chantier du TGV Méditerranée. D’autres se trouvent à Pertuis, en hauteur cette fois-ci. « Cette découverte renseigne l’une des occupations les plus anciennes connues à Orange, explique Émilie Fencke. On a longtemps pensé que les zones de plaine étaient très inhospitalières car trop humides ».

Un riche patrimoine archéologique

Six villes antiques (Orange, Vaison-la-Romaine, Apt, Cavaillon, Avignon, Carpentras, un record en France !), Avignon capitale du monde chrétien à l’époque médiévale : le Vaucluse est riche de son passé et livre encore régulièrement nombre de ses secrets à la faveur de projets d’aménagement privés et publics. Car c’est effectivement dans ce cadre que sont prescrits les diagnostics préventifs. Le tumulus d’Orange a ainsi été découvert dans l’emprise de la future déviation de la ville, chantier qui sera conduit sous l’égide du Département de Vaucluse.

Documenter les vestiges découverts en amont ou lors de projets d’aménagement avant qu’ils ne disparaissent à jamais, rebattre les cartes des savoirs d’un secteur géographique et d’une période donnés, enrichir les connaissances historiques et scientifiques : c’est tout l’enjeu de l’archéologie préventive, autrefois appelée « archéologie de sauvetage ». Une mission dont le Département de Vaucluse est l’un des premiers à s’être emparé en 1983. Un vrai choix. Aujourd’hui encore, certains départements français ne disposent pas de service dédié à l’archéologie. Première étape de l’exploration des archéologues départementaux : le diagnostic, donc. Il intervient dans des cas de figure très précis. « Au plan national, seulement 10% des projets d’aménagement donnent lieu à des prescriptions archéologiques ».

Documenter les vestiges découverts en amont ou lors de projets d’aménagement avant qu’ils ne disparaissent à jamais, rebattre les cartes des savoirs d’un secteur géographique et d’une période donnés, enrichir les connaissances historiques et scientifiques : c’est tout l’enjeu de l’archéologie préventive, autrefois appelée « archéologie de sauvetage ». Une mission dont le Département de Vaucluse est l’un des premiers à s’être emparé en 1983. Un vrai choix. Aujourd’hui encore, certains départements français ne disposent pas de service dédié à l’archéologie. Première étape de l’exploration des archéologues départementaux : le diagnostic, donc. Il intervient dans des cas de figure très précis. « Au plan national, seulement 10% des projets d’aménagement donnent lieu à des prescriptions archéologiques ».

Quelles raisons poussent alors les services de l’État (le Service régional de l’archéologie [SRA] de la Direction régionale des affaires culturelles [DRAC]) à solliciter les archéologues vauclusiens à la phase d’instruction des permis de construire ? Si l’aménagement porte sur 3 hectares ou plus, le SRA examine systématiquement le dossier de demande de permis de construire ou d’aménager. Sur une telle surface, le risque est important d’endommager des vestiges. Cet examen peut conduire à la prescription d’un diagnostic. Ensuite, il existe pour certaines communes des Zones de présomption de prescription archéologique (ZPPA), dont la délimitation est établie par les SRA à partir d’une compilation des données de la carte archéologique (cf encadré p.115). Si le projet d’aménagement est dans une ZPPA, il sera obligatoirement transmis au Préfet de région et examiné par le SRA. Ce dernier pourra, s’il le juge utile, prescrire un diagnostic (en raison par exemple de la présence déjà connue de vestiges à proximité des parcelles concernées par le projet). Idem pour les secteurs sauvegardés des villes vauclusiennes. « Nous réalisons environ la moitié des diagnostics prescrits par l’État dans le département, complète Émilie Fencke. Le reste revient à l’INRAP (Institut national de recherches archéologiques préventives) et à la Direction du Patrimoine de L’Isle-sur-laSorgue, qui sont les deux autres opérateurs à intervenir dans le Vaucluse »