D’immenses chantiers… avant le retour à Rome

D’immenses chantiers… avant le retour à Rome

Là encore, ce palais restera orphelin. Érigé en l’espace de quelques années, entre 1318 et 1324, le palais de Sorgues sera aussi vite oublié. Les successeurs de Jean XXII, des bâtisseurs de la même trempe, le délaissent pour concentrer tous leurs efforts sur l’ensemble qu’ils entendent voir émerger non loin de là, au cœur d’Avignon. À partir de 1334, du vieux palais épiscopal juché sur le rocher des Doms, Benoît XII puis Clément VI feront jaillir le gigantesque ensemble que les touristes du monde entier viennent encore admirer aujourd’hui. Cet âge d’or marque l’explosion urbaine d’Avignon : l’argent afflue, tout comme les architectes, maîtres bâtisseurs, artistes et décorateurs. Ils arrivent d’Italie pour assouvir les rêves de grandeur du pape mais aussi de tout ce que la cité héberge désormais d’archevêques et de diplomates. Ce chantier pharaonique prendra une vingtaine d’années à peine. Quand il s’achève dans la seconde moitié du XIVe siècle, on approche déjà de la fin de l’ère des papes de Vaucluse. La peste partie d’Asie en 1347 a déjà jeté un voile noir sur le monde et la guerre de Cent Ans fait rage. Les mercenaires désœuvrés occupent les périodes de trêve en pillant et en rançonnant. L’insécurité s’installe, la peur rôde, les papes sont contraints de muscler les fortifications et d’augmenter les effectifs afin d’assurer la protection du Comtat. On construit des remparts plus grands à Avignon pour englober à leur tour les populations qui avaient dû s’installer à l’extérieur de la modeste enceinte d’origine. Ces murailles à mâchicoulis, qui sont encore de nos jours la parure du centre historique d’Avignon, resteront à moitié vides pour les siècles suivants. Car déjà, les papes songent à rentrer à Rome, la ville éternelle. On n’apporte plus que de menues améliorations aux ensembles palatiaux qui ont émergé en quelques décennies. Urbain V ajoute des jardins au Palais des papes et Grégoire XI redonne un peu de couleurs au palais de Sorgues qu’il fait restaurer afin d’y séjourner. Il y recevra notamment Charles Le Mauvais, roi de Navarre, ou encore le duc d’Anjou, fils du roi de France. Puis, estimant que les conditions sont réunies, il s’embarque à bord d’une expédition pour regagner Rome en 1378. Avignon n’hébergera plus dorénavant que des «antipapes» qui contestent la légitimité de l’élu du Vatican. La chrétienté achève de se fissurer, le Grand schisme est consommé. En 1398, Benoît XIII est reclus dans le Palais des papes encerclé par les hommes du roi de France qui demandent son abdication. Le siège durera cinq ans jusqu’à ce que ce pape contesté parvienne à prendre la fuite. Son départ signera la fin de la papauté d’Avignon.

Ainsi, le siècle des papes d’Avignon est marqué par un formidable effort de construction qui se déploie de façon décousue d’un pontife à l’autre. Ces dernières années, les travaux de recherche menés par les archéologues du Département ont permis de mieux connaître ces édifices voulus et dessinés par les papes successifs avant que la ruine et l’oubli ne les gagnent pour ne plus laisser émerger que le Palais des papes d’Avignon, auréolé par l’Unesco du prestigieux titre de « Patrimoine mondial de l’humanité ».