Comment définit-on-la Protohistoire ?

Comment définit-on la Protohistoire ?

Maeva Serieys et Pascal Marrou.
Si l'on regarde une frise chronologique, la Protohistoire est la période comprise entre la Préhistoire et l'Antiquité et qui s'achève avec la conquête romaine.
Elle correspond aux âges des métaux, à savoir l'âge du Bronze (-2300 / - 800) et l'âge du Fer (- 800 / - 50), qui sont caractérisés par l'émergence et le développement de la métallurgie, mais aussi par la naissance des agglomérations, particulièrement précoce dans le sud de la France. Autre trait caractéristique, ces sociétés ne possédaient pas l'écriture. Ces peuples avaient une solide tradition orale mais n'ont laissé d'écrits que vers la fin de la période, en utilisant les alphabets grec et latin pour transcrire leur propre langue, donnant ainsi naissance au gallo-grec et au gallo-latin. L'une des particularités de la Protohistoire méridionale est l'intensité des échanges, tant économiques que culturels, avec le monde méditerranéen, notamment sous l'impulsion des Grecs de Phocée qui, en 600avant notre ère, fondent Massalia, l'actuelle Marseille. Ils essaiment ensuite un réseau de colonies littorales parmi lesquelles on peut citer Olbia, à Hyères, Tauroeis, au Brusc, Nikaia, à Nice, ou encore Agathé, à Agde. Ces colonies constituent autant de relais pour la navigation et le cabotage à destination des sites gaulois, avant que les marchandises ne se diffusent vers l'intérieur des terres en s'appuyant notamment sur l'axe de circulation majeur que représente déjà le Rhône. Ce commerce d'un type nouveau modifie profondément l'économie gauloise.

Enfin, une autre originalité de la Protohistoire méridionale est le caractère précoce de la conquête romaine : la province de Narbonnaise est fondée en 125 avant notre ère. Les habitants de ces régions, dont ceux du Vaucluse, commencent ainsi à adopter le mode de vie et les us et coutumes romains près de 75 ans avant le reste de la Gaule.

 

Quelles sont les sources permettant de connaître la Protohistoire ?

Maeva Serieys.
En l'absence de documentation écrite, l'archéologie est la première source de connaissance de la Protohistoire. En Vaucluse, différentes fouilles ont ainsi permis de mieux connaître les peuples habitant dans notre région (Cavares et Voconces notamment).Elles mettent en effet au jour des sites livrant des indices matériels (restes osseux, céramiques, métalliques, architecturaux, végétaux...) dont l'étude et l'analyse nous renseignent sur leurs habitudes alimentaires, leurs artisanats, les formes de leurs habitats, leurs pratiques funéraires, la faune et la flore qui constituaient alors leur environnement...Des sources indirectes sont également fournies par des écrits émanant d'autres peuples vivant à la même époque. De nombreux auteurs grecs et latins mentionnent les Gaulois et les qualifient souvent de "barbares ", terme qui signifie en grec " étranger ", sans connotation péjorative particulière.

En quoi les fouilles réalisées au Mourre de Sève, à Sorgues, éclairent-elles notre connaissance des populations gauloises en Vaucluse ?

Pascal Marrou.
Plusieurs fouilles ont mis au jour la présence d'une population gauloise sur la colline entre le VIe et le IVe siècle avant notre ère. Ces fouilles et étude sont été menées dès la fin du XIXe, puis lors de recherches programmées par l'Etat dans les années 1970-1980 parles archéologues Patrice Arcelin, Charlette Arcelin-Pradelle (cf. p.120-121) et Louis Batut. Peu exploitées à l'issue des fouilles, les données collectées au cours des dix campagnes d'exploration du site ont été récemment reprises dans le cadre d'un PCR (Projet Collectif de Recherche). À cette occasion, les études initiées alors ont été complétées et de nouvelles analyses ont été entreprises sur les différents vestiges collectés(céramique, métal, restes végétaux...), nous renseignant ainsi sur la vie quotidienne de cette communauté. Les Gaulois du Mourre de Sève formaient déjà une société très organisée, autour d'un artisanat de qualité, de l'agriculture et de l'élevage. Leurs céramiques, dont on a retrouvé de nombreux fragments, permettent de nous éclairer sur leurs modes de vie et de consommation. Elles étaient parfois fabriquées localement (c'est le cas de la céramique non tournée, de la céramique grise monochrome) et parfois importées (comme certaines amphores venant de Marseille, ou comme une petite partie de la vaisselle de table venant de Grèce). Ces céramiques servaient autant à conserver les denrées qu'à cuire et à servir les repas. Ces recherches ont également mis en évidence la présence de pépins de raisin indiquant que la vigne était cultivée sur place.

Les Gaulois sont-ils présents ailleurs dans le Vaucluse ?

Oui ils sont présents partout dans le Vaucluse, comme à Avignon, Cavaillon, Vaison-la-Romaine, Orange ou encore Beaumes-de-Venise... Si les traces d'habitat de durant l’âge du Fer apparaissent des habitats de hauteur, parfois fortifiés, appelés oppida. Ces agglomérations fortifiées ont donné naissance à de nombreux villages et villes actuels. On le sait grâce au mobilier(notamment céramique) retrouvé sur ces sites qui témoigne de productions diversifiées et des nombreux échanges entre les différentes communautés occupant le territoire .Fusaïoles enterre cuite.0 3 cm Urne en céramique non tournée restaurée. Mais notre connaissance sur ce qui se passe « hors des villes » reste très lacunaire : les formes de leurs habitats ,les modalités d’occupation du territoire ou les liens entre ces différentes occupations (hiérarchie, dépendance…)sont encore aujourd’hui mal appréhendés. L’acquisition de nouvelles données permettant d’éclairer davantage ces aspects des sociétés protohistoriques méridionales légitime à elle seule la poursuite des recherches sur cette période qui est loin d’avoir livré tous ses secrets…

 

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